« Seul l’objet est séduisant. »
Le transfert d’initiative sexuelle à la femme a créé une situation nouvelle. Car la prérogative masculine, du temps de la « femme-objet », a du moins donné lieu à toute une culture de la passion et de la séduction, à une culture romanesque liée au jeu de l’interdit sexuel. Une telle culture n’est guère pensable en sens inverse. On ne voit pas l’homme assumer les pudeurs et les secrets, la provocation et le retrait, toute la stratégie sublime et subliminale d’objet qui faisait l’éternel féminin. Il n’y a pas d’éternel masculin parce qu’il n’y a pas d’interdit qui protège l’homme de la demande sexuelle de la femme. La femme, si elle le veut, n’a plus besoin de séduire. L’homme, si la femme le veut, aura toujours besoin de séduire.
Et si la contrainte de féminité-objet a cessé pour la femme, celle, par contre, de virilité n’a pas cessé pour l’homme. Il se trouve donc sommé de répondre, sauf à perdre la face, à la demande sexuelle de la femme – situation où celle-ci ne s’est jamais trouvée, car elle a toujours eu la possibilité de l’éluder, dans la séduction et le refus en particulier, où elle ne risquait pas de perdre la face, bien au contraire. »
« La situation n’est donc plus duel, elle est devenue unilatérale. La femme-objet était souveraine et restait maîtresse de la séduction (d’une règle du jeu secrète du désir). L’homme-objet n’est qu’un sujet dépouillé, nu, orphelin du désir, rêvant d’une maîtrise perdue – ni sujet ni vraiment objet de désir, mais seulement l’instrument mythique d’une liberté cruelle. »
« Quelque chose dans la femme ignore la possession. Quelque chose dans l’objet ignore la possession. La possession est la préoccupation et l’orgueil du sujet, mais non de l’objet, qui n’en a cure, non plus que de sa libération. L’objet ne veut que séduire – c’est ainsi qu’il joue de sa servitude, comme les bêtes de leur silence, comme les pierres de leur indifférence, comme les femmes de leur regard, et qu’il gagne toujours. »
La différence est sérieuse, l’indifférence est ironique.
« Chacun jouit de son côté. La possibilité même d’une sexualité repose sur ce que chacun ignore comment l’autre jouit (ni même s’il jouit tout simplement). C’est un malentendu vital, pourrait-on dire. C’est la forme biologique du secret. »
« […] la multiplication par neuf de la jouissance féminine n’est que la multiplication ironique du désir de l’homme. Elle témoigne que la femme n’est que l’extase ironique du désir de l’homme. »
« Le rêve dans l’amour serait de devenir femme. Le fantasme profond de l’amour physique et mental n’est pas de possession, mais de métamorphose, de transfiguration sexuelle. Au plus fort de l’amour nous sommes hantés par l’énigme du sexe différent. Toutes les copulations ne visent qu’à cela: toucher à l’autre sexe comme adversité, intégrer par divination. Rêve insoluble, qui s’épuise à les posséder toutes, continuellement. »
« Tout le drame de la différence est du côté de l’homme, tout le charme de la différence est du côté de la femme. Nulle misère, nulle oppression de la femme ne ravalera jamais ce destin supérieurement inégal, et qui fera toujours pencher la balance du rêve, de la hantise, de l’énigme, du stratagème du côté du sexe qui se préfère lui-même et décrit ainsi le creux délicieusement vide, celui du plaisir, ou l’autre vient s’abîmer.
Extrait de « Les Stratégies fatales » par Jean Baudrillard
Édition Poche
Pour ma part ,ce texte montre bien la confusion de l’homme quant au rapport des relations homme femme….De claire en début , la pensée se fait tortueuse et finie dans des méandres de mots qui traduisent le vide où est plongé l’auteur face à ce nouveau paradigme « d’égalité » des sexes . Baudrillard (terrorisé qu’il doit être)lol ,surement en manque de repères , en fait une histoire figée, sombre ou l’homme replié sur lui même ne voit que peu d’ouverture à l’émancipation de la femme…..la séduction dont nous sommes tous tributaires gagnera en vérité à s’attacher plus à l’autre être que nous soyons homme ou femme qu’à l’objet projeté
L’objet de la séduction ,peut se révéler n’être qu’un code . Il peut être le porte drapeau d’une façon d’être tel un tatouage sur la peau ou d’une coupe de cheveux qui sublimera un personnage en montrant son « intime »…mais intégrer l’autre comme objet à part entière me parait le signe d’inhumanité et de violence à venir….la sexualité seule par son lien avec notre cerveau primaire peut tirer profit non pas dans ce cas là d’une déshumanisation mais plutôt d’une introspection énergisante nous révélant en nous reliant à notre ascendance
J’avoue avoir eu beaucoup de mal avec ce texte qui doit surement être plus riche que ce que j’ai pu en dire ici…je me demande même si Baudrillard ne voit pas l’homosexualité comme une issue possible?????lol
En tout cas ,pour moi , c’est sûr , la séduction est le propre de la femme (peut être plus que de l’homme) en tout cas plus visible même si elle est plus subtile et je ne crois pas que les sociétés se développant nous assistions à sa décroissante…bien au contraire
Amitiés fatales
En effet le texte est plus fourni, l’intégralité se trouve sur le net
Je voudrai rajouter une réflexion. Pour un homme ayant une certaine maturité la question se pose différemment à mon avis, car il a eut le temps de cerner les codes de séduction, et accepter d’en changer ne doit pas trop lui poser de problème, que ce soit la femme qui prenne l’initiative de le draguer par exemple peut lui plaire, par contre pour un homme jeune entrant ds ses premières années de phase de séduction, c’est un peu comme lui ôter ce plaisir de conquérir qui appartient on dira plutôt au « modèle » masculin, l’homme étant à la base un chasseur, il a un certain plaisir à devoir se battre pour obtenir
Donc renverser la « norme » c’est le démunir de qque chose d’essentiel
Sinon qd Baudrillard parle de changement des sexes je ne pense pas du tout qu’il pense à l’homosexualité, mais plutôt à cette pensée profonde de vouloir savoir ce que ça ferait d’être un homme pour une femme sexuellement parlant, et inversement bien des hommes aimeraient pouvoir avoir ne serait-ce qu’une fois un corps de femme pour connaître leur ressenti, c’est à mon avis sous cet angle que Baudrillard parle du fantasme profond de l’amour physique.
Amitié Baudrillardienne