Extrait
Tu ouvrirais ce carnet. Tu verrais qu’il y serait question du ciel, de cette part du ciel qui reste en nous, électrisée, nocturne, sauvage, inaliénable. Tu verrais sur le bleu de ces pages la blancheur d’une étoile, qui est celle aussi du sel, du feu. Des mots passeraient sous tes yeux, dans le matin de tes yeux. Un mot comme celui-là: ”âme”. L’âme. Un linge frais de soleil, amoureusement plié. Un drap d’or pour la couche des amants, liseré de noir, brodé avec les initiales conjointes de l’orage et de l’aurore. Tu lirais encore, plus loin. Vers d’autres mots. Tu lirais les mots précieux, les mots ruisselants, les mots princiers, ceux du désespoir, ceux, les mêmes, de l’espoir. Tu comprendrais alors. Tu comprendrais que dans chacun de ces mots, sur chacune de ces pages, il n’aurait été question que de toi, que de cette merveilleuse coïncidence entre toi et l’amour que j’ai de toi. Entre toi et ces mots qui sont les miens pour te dire. Entre toi et ces mots conçus dans la nuit, engendrés par ce désordre qui suit ton entrée en mon âme et qui la pacifie.
Carnet envoyé à ”la plus que vive” en 1980
Extrait de l’Homme Joie
Editions L’Iconoclaste