Oubliés sur le Toit du Monde
PHOTO Matthieu Paley
Pamir – Oubliés sur le Toit du Monde. C’est l’histoire d’un livre qui a mis du temps à naitre ; plus de 10 ans de ma vie avec une obsession: les montagnes reculées de la Haute Asie (Pakistan, Afghanistan, Tajikistan).En parcourant une branche de l’ancienne Route de la Soie, j’ai pu accompagner les caravanes de yacks des Kirghizes qui voyagent du Corridor du Wakhan en Afghanistan, jusqu’au Pakistan. Ce projet m’a conduit jusqu’à des cols et des sites inexplorés.
Je suis retourné les voir en 2001 alors que je travaillais avec la Fondation de l’Aga Khan. J’ai alors réalisé qu’il s’agissait plus que de prendre simplement des photos de kirghizes. Une histoire commençait entre eux et moi. Comme ils ont été exilés en Turquie en 1978 quand les russes sont entrés en Afghanistan, je suis alors parti en Turquie pour les voir là-bas et j’ai ramené des lettres à leurs proches, minorité restée en Afghanistan. J’ai ainsi remis en contact des familles qui ne s’étaient pas revues depuis 25 ans
J’ai voulu aller plus loin et retourner en hiver. Je l’ai proposé à Géo Allemagne qui m’a alors suivit dans cette aventure. C’était une expérience incroyable car j’avais un doute sur la réussite de cette expédition: c’était en Afghanistan, il fallait remonter cette rivière gelée alors que depuis 1972, aucun occidental ne l’avait remontée, mon fils n’avait pas un an… J’ai ensuite eu la chance de retourner en hiver à trois reprises leur rendre visite. C’est un luxe rare en photographie de pouvoir travailler en longueur et de voir l’évolution des gens, de voir les choses changer.
Mais désormais ma question est de savoir ce que je peux donner en retour à ce peuple, après avoir pris toutes ces photos. Je n’ai pas envie de « faire quelque chose ». J’ai vu tellement d’ONG qui ont « fait des choses », mais qui n’ont mené à rien, sinon à « soulager leur conscience ». Il faut qu’il y ait un impact durable et cela ne vient pas de l’agitation. Alors je ne « fais » rien, ou bien peut-être ce livre est-il une action, en rendant hommage à ces personnes.
Mais c’est un hommage qui n’est pas larmoyant, envers une société qui est sur le point de disparaître. Ce qui compte c’est de montrer une société où certes les gens souffrent énormément, mais sans se plaindre. Ils prennent la vie telle qu’elle est. J’ai été ébahi par exemple devant l’acceptation de la réalité de Khaltcha, cette femme qui m’a dit à l’improviste, sans se morfondre, qu’elle avait perdu ses 11 enfants. Pour elle, c’était un fait, ce n’était pas injuste. C’était une sacrée leçon de vie.
Je crois que dans nos sociétés, nous avons perdu cette force de gérer la vie. Nous voulons sans cesse nous battre pour que notre sort s’améliore, en n’étant jamais heureux de ce qui est maintenant. Ainsi, ce qui m’a le plus marqué dans mes reportages et dans celui-ci en particulier, ce sont les personnes que j’ai rencontré, à travers des expériences de beauté, mais aussi de dureté.
Extrait du blog de Marc Lafontan http://au-bout-de-la-route.blogspot.fr
Vraiment joli.
La beauté de l’Ailleurs…