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VIEILLIR A DEUX L’ULTIME DEFIT ?

 L’entrée en retraite constitue l’une des crises du couple qui dure, car elle conduit souvent à la désidéalisation de l’autre.

Scène de la vie quotidienne de deux octogénaires: il s’apprêtait à préparer une soupe, elle déboule dans la cuisine en réclamant plutôt des légumes sautés. Ils se houspillent. Quelques heures plus tard, on les voit se promener le long d’un chemin de campagne, puis s’allonger au pied d’un arbre pour observer au soleil la danse aérienne d’abeilles en train de faire leur miel. Soudain, la complicité de ces vieux partenaires crève l’écran.

En quelques minutes, le magnifique film documentaire de Ludovic Virot sur Le Sens de l’âge nous offre les deux images le plus souvent associées au couple vieillissant et qui signent son paradoxe: d’un côté, le quotidien répétitif, enfermant, souvent conflictuel; de l’autre, la plénitude d’avoir vécu tant d’années ensemble…

» INTERVIEW – «L’attention à l’autre, le secret pour vieillir à deux»

Cette traversée du couple âgé est plus fréquente qu’on ne le croit souvent: la dernière étude (à l’échelle européenne) prouve qu’entre 75 et 79 ans, environ trois hommes sur quatre vivent en couple, contre seulement une femme sur trois (35 %), une différence qui s’explique évidemment par le veuvage plus fréquent chez les femmes (source Ined 2006). Ils sont donc encore nombreux ceux qui se coltinent cette aventure exigeante de «rester ensemble». Quels sont les obstacles qu’ils ont à dépasser pour y parvenir?

Retraite à risque

Pour Anne Husser, psychologue clinicienne et thérapeute de couple, l’une des plus grandes crises intervient actuellement avec l’arrivée de la retraite. «S’impose alors une réalité inédite: le fait de vivre 24 heures sur 24 ensemble! C’est un état de fait sans précédent pour la majorité de ces unions, estime-t-elle. Une situation à risque, car elle réactive le lien primaire (celui que tout humain a eu, bébé, avec sa mère ou tout adulte qui le maternait au quotidien). La retraite soumet ainsi chacun des partenaires à une problématique essentielle: va-t-il réussir à être dans une symbiose parfaite ou va-t-il se sentir étouffer?»

Annie de Butler, thérapeute psychanalytique de couple, confirme: «Les demandes de divorce chez les couples à l’âge de la retraite sont de plus en plus fréquentes», écrit-elle dans un numéro de la revue Dialogue (no 188) consacré à ce thème.

Oui, mais s’ils en sont à cette crise, c’est bien qu’ils ont su dépasser toutes les autres, les précédentes? «En effet, observe Anne Husser, l’épreuve qui se présente régulièrement à toute personne vivant en couple est celle de la désidéalisation: l’autre n’est plus un objet unique, tout suffisant, de qui je dois tout attendre.»

Et cette nécessité de renoncer à l’image si puissante de l’«âme sœur» arrive dès les débuts du couple amoureux avec les premiers conflits, puis avec la naissance des enfants, la nécessité de conjuguer carrière, famille et épanouissement de soi, plus tard encore s’il y a infidélité… Enfin avec la vieillesse des corps, la diminution des facultés psychiques, la fréquence des maladies, cet enjeu «des petits deuils au quotidien» s’intensifie.

«Le couple qui reste soudé est celui qui sait traverser tous ces deuils et s’en relever, estime Annie de Butler. En fait, l’amour initial qui a structuré le couple doit évoluer et se transformer, un peu comme un enfant que la vie pousse à grandir pour mieux s’épanouir.» Et la psychanalyste de constater que ce sont le plus souvent les personnalités rigides qui rompent quand l’autre n’est pas comme elles le voulaient. «Quand on a eu la chance d’être dans un couple qui a survécu aux crises, on a envie de vieillir en couple, ajoute-t-elle… D’ailleurs, toutes les études le confirment: on vieillit mieux et plus longtemps quand on est à deux!» Le couple longue durée est donc un duo qui s’est «musclé».

Idéaux partagés

Pour y parvenir, il y a heureusement de «vrais ciments» pour les partenaires: leurs valeurs communes. «Ce sont ces idéaux partagés qui font tenir ensemble: pratique d’une activité artistique, goût des voyages, de la marche… peu importe, estime Anne Husser. L’important, c’est qu’ils aient pris le temps de découvrir ce socle commun.»

Ces ressources laissent à penser que l’aventure d’une vie à deux reste à explorer, mais de manière renouvelée et contemporaine. Annie de Butler remarque que les couples actuels peuvent tout à fait partager des valeurs communes sans être empêtrés dans des questions de moralité comme l’étaient les générations antérieures.«Aujourd’hui, on peut rester ensemble grâce à des valeurs qu’on s’est vraiment choisies.» Le couple a alors tout pour vieillir au mieux. Parmi ses mannes, il y a le souvenir: «On garde dans sa mémoire que l’autre vous a connu(e) jeune et séduisant(e), et a fait de vous un être de chair et de plaisir»,affirme la psychanalyste. Ainsi, la sexualité, même tarie, reste virtuellement une source à laquelle continuer de s’abreuver.

Pascale Senk – le 26/01/2012

– Ayons toujours quelqu’un à aimer, quelque chose à faire, c’est le secret d’une vieillesse toujours jeune. Quand on aime, on n’est jamais vieux.

– Ne nous négligeons pas. Maintenons-nous en forme physiquement et intellectuellement, spirituellement. Nous aurons moins de misères et nous serons moins à charge.

– Supportons courageusement sans gémir les misères que nous ne pouvons ni supprimer, ni éviter.

– Pensons qu’il y a plus malheureux que nous et que le meilleur moyen d’alléger notre souffrance, c’est de soulager celle des autres.

– Voyons les mille petits riens dont nous pouvons, chaque jour, faire nos rayons de soleil !

– Se déplacer, écouter, lire, converser, servir, excuser et pardonner.

– Écartons de nous tout ce qui fait mal vieillir, l’oisiveté, l’égoïsme, l’isolement, les rancœurs, la jalousie, l’envie.

– Ne regrettons pas les joies du passé, rappelons-nous plutôt que nous les avons eues.

-Ne vivons ni dans le passé, ni dans l’avenir. Vivons de notre mieux la minute présente toute neuve et pleine d’espérance.

J’ajouterai ceci: soyons ouvert à l’expérience, à soi et aux autres. L’étude longitudinale que j’ai menée avec mes collègues de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke a démontré l’importance de cette capacité d’ouverture (actualisation du potentiel) dans l’art de bien vieillir.

Richard Lefrançois

Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue

Extrait de son blog  http://tribune-age.over-blog.com

 

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