JEAN-FRANCOIS JONVELLE PHOTOGRAPHE

fou d'elle jonvelle

JEAN-FRANCOIS JONVELLE PHOTOGRAPHE

 (1943 – 2002)

Elles sont en chaussettes, et c’est tout, et elles farfouillent dans le frigo. Elles sont en gros pull à col roulé, et c’est tout, et elles siphonnent leur rhume dans un Kleenex, jambes grandes ouvertes. Elles sont dans la salle de bains, et elles se contentent d’enrouler une serviette-turban autour de leurs cheveux mouillés, voilà tout. Ce sont les jeunes femmes de Jean-François Jonvelle, photographe, qui vient de publier avec la styliste Nathalie Garçon une étude des décolletés de Natacha Régnier, Catherine Jacob, Mathilde Seigner, et compagnie » Ni gredines adolescentes, ni grandes dames alambiquées, celles de Jonvelle sont juste des filles sans façons et sans gêne, saisies entre robe campagnarde et T-shirt de nuit. Des filles qui travaillent, mais pas des executive women, des filles qui mangent sans chipoter, qui dorment sans Lexomil, qui baisent avec fougue et capotes. Depuis une vingtaine d’années, elles pointent leur air taquin et pas compliqué au gré des planches-contact de ce lutin bavard aux boucles qui ont fini par blanchir à force de frisotter. Elles sont les grandes soeurs décontractées et dessalées des adolescentes éthérées et embrumées deDavid Hamilton. Elles sont aussi les copines ahuries, rigolardes et secrètement admiratives des teneuses en laisse et des fouetteuses à talons de Helmut Newton. Mais elles n’ont strictement rien à voir avec les impressionnantes perdantes camées, tatouées, trouées de Nan Goldin. Elles ressemblent toujours à ce qu’en disait Bernard Chapuis dans son intro à Celles que j’aime, album de 1983 qui a fait sortir Jonvelle de ses travaux de pub et de mode, auxquels il n’a pas renoncé et qui continuent à lui faire de jolies fins de mois. Chapuis écrivait: «On imagine chacune de ses femmes marchant dans la rue, sortant du métro, descendant d’un taxi, achetant des cigarettes au tabac, écoutant les nouvelles à la radio.» Elles imposent effectivement leur naturel middle class, ni pervers ni déjanté. Les femmes de Jonvelle sont plus Habitat qu’Ikéa, plus soldes que fins de série, plus job sympa que CDD glauque, plus Pacs de six que bague au doigt. Et Chapuis ajoutait: «Il s’agit là d’un érotisme domestique, non d’un érotisme de palace ou d’hôtel montant avec tout le bataclan des désirs incertains.»

jean françois jonvelle photomaton

La première qu’il épingle, c’est sa jeune soeur, puis celle d’un copain. Les parents sont kinésithérapeutes, mais les corps, Jonvelle les touche mieux du regard. Comme père de substitution, il choisit un voisin. Cet artisan-photographe l’entraîne dans un tour de France des cathédrales et lui lègue ses manières de Doisneau du Midi. Cancre de lycée mis en pension chez les frères, Jonvelle en ressort fâché avec les fastes de l’Eglise et remplace le spirituel par le sensuel. Mais sans bazarder la notion d’humanisme photo de son maître, ce besoin d’aller à la rencontre des hommes et de leurs femmes. La famille vit alors en Provence. «Dans le Lub »euron, pas dans le Lub »éron», précise celui qui charria des melons à Cavaillon pour s’offrir son premier Hasselblad. Il en a gardé le goût des filles du Sud, de ces petites aux mollets des Alpilles, au regard déluré, au peps anisé. Sa typologie: «Brune ou châtain. Pas trop grande. Pas d’énormes seins. Un beau dos. Aventurière. Légèrement disjonctée. Pas peur de ce qu’elle est. De ses envies, de ses désirs, de ses fantasmes.» Maud Marker, une des seules avec qui il ait vécu sans la photographier et qui en est devenu son agent, précise: «Il ne cherche pas la plante de 1,80 m avec la fesse à 1,12 m. Il veut une frimousse, un regard, du piquant. Une sauvageonne spontanée, rigolote, qui ne triche pas.» Jonvelle continue à humer l’air des capitales comme un kakou des avenues à platanes: en cherchant «à avoir un jeton». C’est-à-dire à apercevoir un lever de jupe en grande pédalée, une robe tordue par une bouffée de vent, un sein qui pointe du débardeur, des jambes nues aux terrasses qui se décroisent lentement dans la chaleur de fin d’après-midi. Et les jeunes dames qui vont avec, qui sourient, conscientes, complices » Jonvelle n’a ni l’arrogance faste des don Juan, ni la culpabilité douloureuse des voyeurs. C’est un timide qui soigne son zézaiement d’une prolixité enjouée. C’est un adolescent des flirts à la Platters et des roucoulades chastes qui n’en revient toujours pas que la révolution ait été sexuelle. «C’est pas un play-boy. Pas un type déchaîné», dit une copine. «C’est encore un naïf avec les femmes», témoigne une ex. C’est un photographe qui n’est ni dans l’agressivité, ni dans la déstabilisation. C’est un type qui «sait mettre à l’aise, faire croire qu’on est belle, que tout va bien», explique une mannequin. C’est quelqu’un qui lance: «Les femmes m’ont énormément apporté, la folie, l’excentricité mais surtout l’apaisement.» C’est un gars qui aime les filles et qui le dit peut-être trop bien pour que cela aille de soi.

Par LE VAILLANT Luc
Extrait de libération.fr  6 janvier 1999
 

Jean-François Jonvelle est né en 1943 à Cavaillon. Plus tard, il vendra ses célèbres melons pour s’acheter un Hasselblad, appareil photo haut de gamme suédois.

En 1959, c’est Georges Glasberg, photographe, qui l’initie à la photo en lui faisant faire le tour de France des cathédrales, une passion pour la photo qui ne le quittera jamais. A l’âge de 20 ans il devient l’assistant du photographe américain Richard Avedon. Il est ensuite devenu indépendant, travaillant toujours autour des femmes.

  • Il utilise un appareil reflex avec des objectifs ultra-lumineux
  • Cette grande ouverture lui permet de travailler en lumière naturelle, et sans trépied
  • Lumière: Le photographe n’utilise jamais de flash. Il travaille uniquement avec la lumière naturelle. L’usage de cette lumière est remarquable.
  • le décor: Les éléments extérieurs au modèle sont généralement discrets, et très communs. Ils jouent cependant un rôle fondamental dans la composition du cadre.

Il a réalisé de nombreux portraits de femmes, souvent ses amies. Son travail est marqué par une profonde sensualité, un grand respect pour ses modèles, et une impudeur qui permet de manifester une vérité.

jean françois jonvelle

Sa petite sœur, sa maman dont il a toujours été très proche, et sa grand-mère seront ses « premières victimes consentantes ». Première muse et complice, Tina Sportolaro qu’il rencontre en 1982 et avec qui il réalise quelques-unes de ses plus belles images. Viendra Béatrice en 1985. Puis Maud Marker, qui contrairement aux autres femmes avec lesquelles il partagera des moments de vie, n’a pas envie d’être prise en photos. Elle, en tailleur Chanel rose bonbon, lui en jeans et baskets. Elle est l’opposé des femmes qui l’attirent habituellement. Elle s’occupe des castings, le conseille dans ses choix et devient son agent jusqu’en 2000.

Il disait volontiers que son sujet préféré était les femmes qu’il aimait. Il est notamment l’auteur des photos de la campagne de pub qui avait révolutionné l’affichage publicitaire dans les années 80 « Demain j’enlève le bas ».

JON4Tina Sportolaro

 Il avait publié en 1998 un album de photos qui était une sorte d’encyclopédie du décolleté, intitulé « balcons » et se décrivait lui-même comme « un obsédé sexuel sentimental, un voyeur né ». « Quand je photographie une femme, avait-il dit, je veux qu’elle sache qu’elle est la plus belle de la terre, parce qu’une femme qui se sent belle est vraiment la plus belle femme du monde. Mon bonheur, c’est aussi de n’avoir jamais entravé ma liberté, ni perdu ma fraîcheur, mon instant ».

Il est mort à 58 ans d’un cancer foudroyant, 15 jours après qu’une tumeur fut détectée. le 16 janvier 2002.

 

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Une réponse à JEAN-FRANCOIS JONVELLE PHOTOGRAPHE

  1. tournesol dit :

    Belles photos où la sensualité ,l’érotisme même sont mis en valeur..J’adhère
    merci de me le faire découvrir

    amitiés photogéniques

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