Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau, plus communément appelé Mirabeau, né le 9 mars 1749 au Bignon-Mirabeau, mort le 2 avril 1791 à Paris, fut simultanément ou successivement un révolutionnaire français, ainsi qu’un écrivain, diplomate, franc-maçon, journaliste et homme politique français.
Surnommé « l’Orateur du peuple » et « la Torche de Provence », il reste le premier symbole de l’éloquence parlementaire en France.
« Ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ? » (Discours sur les finances, cité par le Robert)
Un noble déclassé adversaire de l’absolutisme et séducteur hors pair
Cinquième enfant et second fils de Victor Riquetti, marquis de Mirabeau, économiste de renom, et de Marie-Geneviève de Vassan, Mirabeau est issu d’une famille de la noblesse provençale.
Selon Victor Hugo, né onze ans après la mort de Mirabeau, ce dernier était d’une « laideur grandiose et fulgurante ». Il est né avec un pied tordu, deux grandes dents et surtout une tête énorme (ce qui a fait dire qu’il était hydrocéphale). Il a également la langue enchaînée par le filet. Avant de présenter l’enfant à son père, la nourrice le prévient : « Ne vous effrayez pas ». Et l’accoucheur d’ajouter : « Il aura beaucoup de peine à s’exprimer ».
À l’âge de trois ans, il est défiguré par une petite vérole mal soignée ; son visage en garde de profondes cicatrices. Son enfance est marquée par la sévérité de son père qui n’a pas d’affection pour lui. Il est placé par son père chez l’Abbé Choquard à Paris. Il est emprisonné sur l’Île de Ré par lettre de cachet pour dettes. En 1754, son père écrit à son frère, le bailli de Mirabeau : « Ton neveu est laid comme celui de Satan ». Il a également pour habitude de l’appeler « Monsieur l’ouragan ».
Il étudie à la faculté de droit de l’université d’Aix-en-Provence où il fréquente, notamment Jean Étienne Marie Portalis, futur rédacteur du code civil.
En 1768, il est incorporé à un régiment, mais contracte des dettes, ce qui provoque de nouveau la colère de son père. Il gagne une réputation de libertinage: « Mais le monde ne pardonna pas à Mirabeau cette sorte de férocité, d’exaspération physique que remplaçait chez lui la légèreté du libertinage à la mode : une fougueuse nature éclatait dans ces vices, au lieu de la gracieuse corruption qu’on était accoutumé à admirer ».
Après avoir participé à la campagne de Corse en 1768-1769, il épouse Émilie, fille du puissant marquis de Marignane, qui avait refusé sa main au comte de Valbelle. Ils ont un fils, mort en bas-âge.
Après avoir tâté du fort de l’île de Ré, il fut incarcéré au château d’If, en septembre 1774. C’est dans cette forteresse de sinistre réputation, balayée par le mistral, que lui parvint une nouvelle lettre de cachet : ordre de le transférer au Fort de Joux, près Pontarlier, dans les montagnes du Jura, non loin de la frontière de la Suisse. Il y arriva en mai 1775.
Les chaînes y sont souples, le gouverneur de cette forteresse, M. de Saint-Mauris, un de ces « gouverneurs-gâteaux » (Manceron) ayant à son tour, succombé (en tout bien tout honneur) aux charmes de Mirabeau. Permission de sortie pour aller à la chasse ou se rendre à Pontarlier.
Très vite, Mirabeau est reçu dans les salons les plus en vue de la ville ; lors des fêtes organisées à l’occasion du sacre de Louis XVI, il rencontre Sophie de Monnier, l’épouse du premier président de la Chambre des Comptes de Dôle.
Elle a 21 ans, son mari, 70. Un visage expressif, un corps somptueux mais intact (en quatre ans, le mariage n’a pas été consommé).
Sophie admire Mirabeau, l’écoute, « Rien de ce qui sortait de ma bouche n’était perdu avec toi » lui dira-t-il plus tard.
Sa laideur ne la rebute pas: « Qui est semblable à toi ? Tout en toi est joli, beau, charmant, à mes yeux surtout, car l’amour t’embellirait, mais tu n’as pas besoin de l’être ».
Mirabeau le libertin lui écrira : » Avec toi, j’ai rencontré l’amour ».
Mirabeau est aimé comme il ne l’a jamais été, mais d’un amour total, exclusif, qui l’effraie un peu.
Amour dans lequel les sens avaient aussi leur part : » C’est toi, tout entière, ô Sophie/ Quand ton corps souple et musculeux/ Sous ma grosse face bouffie/ Sous mon front large et pustuleux/ Se débat et roule en délire/ Comme, dans le creux du ravin/La nymphe, sous son vieux satyre/ Tout gonflé d’amour et de vin ».
Sophie abandonnera son vieux barbon de mari et s’enfuira avec Mirabeau à Amsterdam.
Pendant ce temps, en France, Mirabeau père et le marquis de Monnier organisent une chasse implacable.
A Pontarlier, où le scandale est grand, Mirabeau et Sophie sont jugés par contumace.
Au lendemain du règne de Louis XV où la fidélité conjugale n’était pas, loin s’en faut, une vertu phare, le couple est condamné. Mirabeau, à mort pour « rapt et séduction ». Sophie, à être tondue et enfermée à vie dans une maison de repentance pour « crime d’adultère » .
Sophie sera arrêtée à Amsterdam. Ramenée en France, elle mettra au monde une petite fille dans une maison de discipline pour femmes (en 1780, l’enfant, placé de force chez une nourrice, mourra sans que son père ni sa mère aient pu connaître son visage).
Le soir de l’arrestation de Sophie, Mirabeau était absent. Il aurait pu s’enfuir. Pour ne pas abandonner la jeune femme, il se livrera. Il évitera le bourreau, mais une lettre de cachet, encore une, l’enverra au donjon de Vincennes où, cette fois, son geôlier sera implacable. C’est à Vincennes que s’échange entre les deux amants une correspondance amoureuse, parfois étrange, dans laquelle Mirabeau montre quelques signes d’accablement moral. Les lettres seront publiées en 1792 par Pierre Louis Manuel, ancien administrateur du comte de Mirabeau, sous le titre Lettres à Sophie.
« L’Ami des Hommes » jubile, son fils est vaincu. Momentanément. Car il se battra, pour lui, pour Sophie. Il mettra au défi les magistrats de Pontarlier de prouver que, juridiquement, il y a bien eu adultère : « Messieurs, je suis accusé de séduction? Pour toute réponse, je demande que mon portrait soit mis aux greffes ». Versailles éclate de rire…
Sophie sera condamnée à résider à Gien dans un couvent toute sa vie.
En 1782, Sophie de Monnier et Mirabeau seront lavés du délit d’adultère. Mirabeau parcourra un temps fièrement les rues de Pontarlier, puis dégouté de la France, partira en Suisse, seul, sans un sou vaillant. Mais libre.
Sa femme demande la séparation de corps en 1782 et est défendue par Portalis. Mirabeau défend sa propre cause dans ce procès qui défraie la chronique. Il le perd, après une joute oratoire, assez hostile, entre les deux orateurs. Mirabeau ne montre pas de ressentiment à l’encontre de Portalis car, non seulement il reconnaît publiquement ses qualités oratoires et sa loyauté, mais, de surcroît, il le consultera plus tard sur une affaire et demandera son appui lors de la campagne électorale de 1789 pour les états généraux, en Provence9.
Pour le soustraire à ses créanciers, son père le fait plusieurs fois enfermer au fort de Vincennes, et finalement exiler au château de Joux, en Franche-Comté, d’où il s’enfuit aux Provinces-Unies (Pays-Bas) avec sa maîtresse, Marie Thérèse Sophie Richard de Ruffey, rencontrée lors de ses sorties autorisées. Elle est l’épouse du marquis de Monnier, président de la chambre des comptes de Dole.
En 1776, dans sa fuite, il publie son Essai sur le despotisme, qui dénonce l’arbitraire du pouvoir royal : « le despotisme n’est pas une forme de gouvernement (…) s’il en était ainsi, ce serait un brigandage criminel et contre lequel tous les hommes doivent se liguer. »
Mirabeau est condamné à mort par contumace, puis extradé et emprisonné au château de Vincennes de 1777 à 1780. Il y écrit des lettres, publiées après sa mort sous le titre de Lettres à Sophie, chef d’œuvre de la littérature passionnée, ainsi qu’un virulent libelle contre l’arbitraire de la justice de son temps, Des Lettres de cachet et des prisons d’État. Il fait partie en 1788, entre autres avec Brissot, Clavière et Condorcet, des fondateurs de la Société des Amis des Noirs, créée pour l’abolition immédiate de la traite des Noirs et progressive de l’esclavage dans les colonies.
Extrait de Wikipedia