Que cherchait-il chez toutes ces femmes ? Qu’est-ce qui l’attirait chez elles ? L’amour physique n’est-il pas l’éternelle répétition du même ?
Nullement. Il reste toujours un petit pourcentage d’inimaginable. Quand il voyait une femme tout habillée, il pouvait évidemment s’imaginer plus ou moins comment elle serait une fois nue (…), mais entre l’approximation de l’idée et la précision de la réalité il subsistait une petite lacune d’inimaginable, et c’était cette lacune qui ne le laissait pas en repos. Et puis, la poursuite de l’inimaginable ne s’achève pas avec la découverte de la nudité, elle va plus loin : quelles mines ferait-elle en se déshabillant ? que dirait-elle quand il lui ferait l’amour ? sur quelles notes seraient ses soupirs ? quel rictus viendrait se graver sur son visage dans l’instant de la jouissance ?
L’unicité du « moi » se cache justement dans ce que l’être humain a d’inimaginable. On ne peut imaginer que ce qui est identique chez tous les êtres, que ce qui leur est commun. Le « moi » individuel, c’est ce qui se distingue du général, donc ce qui ne se laisse ni deviner ni calculer d’avance, ce qu’il faut d’abord dévoiler, découvrir, conquérir chez l’autre.
Milan Kundera
Extrait « de l’Insoutenable légèreté de l’Être »