CHRISTIAN BOBIN

 

« (…) il faut donner à l’autre ce qu’il attend pour lui, non ce que vous souhaitez pour vous. Ce qu’il espère, non ce que vous êtes. Car ce qu’il espère, ce n’est jamais ce que vous êtes, c’est autre chose. J’ai donc appris très tôt à donner ce que je n’avais pas. L’écriture a dû commencer comme ça. L’écriture, l’amour et le reste. »

Christian Bobin  Extrait d’Eloge du rien


“J’aime Bobin comme j’aime Eluard”

par André Comte-Sponville

Je tiens Christian Bobin pour le plus grand écrivain de sa génération, qui est aussi la mienne. Le plus doué, le plus original, le plus libre – à l’écart des modes, à l’écart de tout –, mais aussi le plus émouvant, le plus juste (au double sens de la justesse et de la justice : comme on chante juste, comme on juge juste), l’un des rares qui nous aident à vivre, qui nous éclairent, qui nous élèvent, et parmi ceux-là sans doute le plus purement poète – c’est pourquoi il réussit moins dans les romans –, mais aussi le plus fraternel, le plus simple, le plus léger, au bon sens du terme (« sans rien qui pèse ou qui pose », dirait Verlaine), enfin le seul, je crois bien, qui m’importe absolument.

Je ne dis pas cela parce que je suis son ami. C’est l’inverse qui s’est passé : je suis devenu son ami, lentement, progressivement, et ce n’est pas fini, parce que je le tenais, en France, pour le plus grand écrivain de notre génération, et qu’il m’importait de le connaître aussi de l’autre côté, je veux dire là où les livres ne vont pas, et d’où ils viennent. Je l’ai découvert par hasard. Une amie libraire m’avait offert un de ses livres, il y a une dizaine d’années, quand il était inconnu, et je sus alors, le lisant (c’était Le Huitième Jour de la semaine), ce que c’est qu’un chef-d’œuvre : un livre qui suffit à justifier qu’on ait vécu jusque-là, pour l’attendre, pour le découvrir, et cela valait la peine, oui, ou plutôt cela valait le plaisir, le bouleversant plaisir d’admirer – enfin ! – un contemporain.

Il ne ressemble pas à ses livres. Il est plus gai qu’eux, plus physique, plus charnel. Il aime manger et boire, fumer et rire… On aimerait parfois que ses livres lui ressemblent davantage. Il m’arrive de les trouver trop beaux, trop lumineux, trop purs. Un peu d’angélisme le menace parfois. Mais quelle vérité, le plus souvent, quelle profondeur, quelle force ! Il écrit au plus près du silence, au plus près de la solitude, au plus près de la mort, et c’est ce qui le fait tellement vivant, tellement bouleversant de grâce et de fragilité.

Eloge de Christian Bobin

Christian Bobin vient du publier un nouveau livre chez Gallimard : Les ruines du Ciel.


Nous sommes toujours plus nombreux à considérer Bobin comme l’un des écrivains majeurs de notre temps, et surtout à l’aimer.
Christian Bobin est né le 24 avril 1951 au Creusot. Très tôt l’écriture se révèle pour lui comme une vocation au sens presque religieux du terme. Après des études de philosophie où il s’intéresse plus spécifiquement à Platon et Kierkegaard, il fait paraître ses premiers livres tout emprunts d’un style visionnaire. Assez vite, le succès viendra avec le Très-bas dans lequel il décrit sans moralisme dévot le personnage de Saint François d’Assise qui selon lui : « parlait du Ciel… mais avec un goût incroyable pour la terre ».
La philosophie souriante et poétique de Bobin se traduit par la fluidité d’une écriture, la simplicité d’un chant joyeux qui domine toute son œuvre. Il nous présente un monde plein de plaisirs inconnus et de charmes minuscules dans des recueils, mélanges de poésie et de prose poétique, tels que Eloge du rien, l’enchantement simple, l’éloignement du monde, le Christ aux coquelicots, Mozart sous la pluie, une bibliothèque de nuages, ou bien dans de courts récits tels que : Une petite robe de fête, la part manquante, l’inespérée.
De l’ensemble de son œuvre se détache enfin, tel un joyau miraculeux, l’un des plus beaux textes de notre littérature, nous semble-t-il, sur l’histoire d’un amour, sa naissance, et sa fin :
La plus que vive.
L’amour est en effet le noyau de sa création : « Il n’y a pas de connaissance en dehors de l’amour. Il n’y a dans l’amour que de l’inconnaissable »
Ses petites phrase ciselées stylistiquement énoncent souvent des vérités profondes de façon concise, lapidaire : « Mourir, c’est comme tomber amoureux : on ne donne plus de nouvelles à personne ». « Ce qui est fait pour tout le monde n’est fait pour personne ».
D’une manière très simple, Bobin nous conduit vers le bonheur et la jouissance. Lire Bobin, c’est toujours « se désaltérer dans le courant d’une onde pure » pour reprendre le vers de La fontaine.
Dans Les ruines du ciel, une déambulation dans notre monde moderne s’accomplit en compagnie des grands noms qui ont marqué l’histoire du jansénisme : Racine, Champaigne, Pascal et Arnaud …mais il faut découvrir le livre par vous-mêmes, un grand livre de toute façon.

Publié par Marc Lequenne sur http://marc-lequenne.blogspot.com

 

 

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