Sans toi (poème)


Sans toi

Mon oreiller me dévisage dans la nuit

Exsangue comme une pierre tombale

Jamais je n’envisageais qu’il serait si cruel

D’être seul

Sans pouvoir me blottir contre ta chevelure

J’habite seul dans une demeure silencieuse

La lampe suspendue dans la pénombre

Et mes mains s’entrouvrent délicatement

Pour y cueillir les vôtres

Et mes lèvres chaudes se posent tendrement

Sur toi ombre invisible, fatigué et affaibli

Je me réveille en sursaut

Enveloppé par une nuit froide qui me glace

L’étoile luit et brille à travers la fenêtre

Où s’est envolée ta chevelure dorée?

Où s’est envolée ta bouche adorée?

Maintenant je bois au chagrin de chaque instant de bonheur

Et au venin de chaque vin

Jamais je n’envisageais qu’il serait si cruel

D’être seul

Seul sans toi!

Hermann Hesse

(Traduction de Guy Rancourt du poème « Ohne dich »)

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