LA PHILOSOPHIE M’A DONNE LE GOUT DE VIVRE
Confusion entre philosophie et la thérapie. La thérapie vise la santé, la philosophie vise la sagesse : le maximum de bonheur dans le maximum de lucidité. Le bonheur est le but de la philosophie, mais il n’est pas sa norme. Sa norme, c’est la vérité. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il s’agit de penser une idée non pas parce qu’elle me fait du bien ou parce qu’elle m’aide à vivre, mais parce qu’elle me parait vraie. Mieux vaut une vraie tristesse qu’une fausse joie. Simplement, une fois que vous êtes face à une idée qui vous paraît vraie, le but du philosophe, comme de tout homme, c’est d’essayer d’en faire votre bonheur.
Je trouve que la vie a souvent un goût amer. Mais j’aime la bière et le tabac : je suis bien placé pour savoir que l’amertume peut-être voluptueuse. La philosophie n’a pas supprimé toute amertume de ma vie, c’est impossible, mais elle m’a aidé à la déguster mieux. C’est son but.
La sagesse, ce n’est pas d’aimer le bonheur, pas besoin de philosopher pour cela ! Mais d’aimer la vie telle qu’elle est, heureuse ou malheureuse, amère ou douce, et d’autant plus précieuse qu’elle est fragile.
Propos de André Comte Sponville
Normalien agrégé de philosophie
Extrait de L’invité
PSYCHOLOGIE magazine