NE JUGEZ PAS
Fuir qui vous aime, aimer qui vous fuit. Maudire celui qui dort à vos côtés, le déchiqueter chaque nuit et se réveiller apaisé, comme si le jour avait lavé la haine à grande eau. Perdre la raison pour une personne qui vous méprise en proportion de l’adoration que vous lui vouez.
Prendre sur la moindre liaison le point de vue de la fin, entrer dans une histoire comme le passager sur le Titanic, en anticipant son naufrage. Rêver chevauchées sublimes, amours échevelées et mijoter à l’étouffée dans un huit clos médiocre. Ne savoir que donner, jamais recevoir et s’étonner que vos cadeaux soient si mal accueillis. Se marier par goût de la sécurité, ne pas se marier par goût de l’aventure, s’apercevoir que le mariage ne protège de rien, que le non mariage ne garantit pas l’imprévu. Supporter des années durant mensonges et tromperies puis, sur un détail ténu, s’en aller à jamais. Aspirer à la chaleur conjugale dans le papillonnage, rêver d’aventures torrides dans le même foyer. Aimer au détriment de l’autre, absorber son énergie, lui voler sa jeunesse, prospérer sur son déclin. Se jurer chaque matin de plaquer l’autre et tenir ainsi vingt ans en caressant l’idée de la rupture. Etre le dindon de la farce, le couillon dont tout le monde rit, s’aveugler sur l’évidence, et s’en accommoder.
Considérer le mariage comme un dur labeur, se forcer à aimer son conjoint, endurer, subir, encaisser, craquer soudain pour une passade. Honorer plusieurs personnes sans le leur dire, exiger de chacune une adoration exclusive. N’être sûr de rien, ni de son orientation sexuelle, ni de son attachement, habiter le pays du peut-être, de l’hésitation sentimentale, n’être qu’un point d’interrogation qui dit : Je t’aime. Pleurer le départ d’un être auquel on croyait ne pas tenir, qui s’était fiché dans votre cœur à la manière d’une écharde. Vénérer, morte, une personne qu’on avait maltraitée, vivante. Déployer des trésors d’amabilité pour de parfaits inconnus, leur offrir des présents somptueux, se montrer glacial et pingre pour les siens.
Telles sont quelques-unes des inconséquences de l’amour.
Pourquoi voudrions-nous qu’il en soit autrement ?
Parler d’amour, c’est toujours partir de son désordre intérieur, fouiller le fond boueux de son âme pleine de bassesse et de noblesse.
Mettons en scène sans les juger les folies du cœur des hommes.
Extrait du livre Le paradoxe amoureux
Pascal Bruckner
Editions GRASSET
Faut le lire plusieurs fois, et encore on n’a pas tout compris.
J’ai l’impression qu’on ne comprend que ce qu’on a connu dans sa propre vie. Le reste semble tellement excessif, improbable.
Je reviendrai te le relire,
Bien à toi, Nilsthom
Nilsthom
Justement ce texte a pour but de nous amener à comprendre toutes les facettes du genre humain, tout ce qui est décrit existe, nul besoin de les avoir vécues pour les admettre, suffit d’être tolérant sur les comportements d’autrui, je crois que c’est le propos de ce texte, montrer de nombreuses façon d’être avec l’amour au cours de son existence.
Merci de ton apport mon ami.
Tit’can I
Oui il faudrait s’abstenir de juger tant que la nature de l’amour demeure mystère
Ses facettes révèlent parfois des imperfections mais le vrai amour est pureté don abandon, une quête qui n’aboutit pas toujours
Amitiés
Nomade
Qu’il demeure mystère ou pas, il ne faut pas juger ceux qui fonctionnent autrement que nous.
La pureté, le don, l’abandon ne résiste pas toujours au quotidien et aux difficultés de la vie, certaines passions meurent aussi.
Amitiés
Tit’can I